L’art de vivre ensemble

Du 28 décembre 2020 au 30 décembre 2020
Carla-Bayle

Nos constats ressortent corolairement de la salariée de l’association « Diversités » en contact avec les demandeurs d’asiles lors de ses accompagnements liés aux projets de l’association et des éléments transmis par l’équipe du Cada Adoma. Les demandeurs d’asile du Cada (100 personnes) du Carla Bayle (09130) et du Fossat sont hébergés en milieu rural isolé. Ils occupent des unités de vie à 2 ou 3 familles et partagent des espaces de vie collective que sont les cuisines et salle à manger et salle de bains/ toilettes. Ils ont peu d’accès au transport et aux activités culturelles du secteur.

L’hébergement au Cada est temporaire le temps de la procédure de demande d’asile. C’est un lieu de passage où les personnes se posent et se reposent mais qu’il est difficile d’investir. La période du confinement liée à la crise sanitaire a accentué cet aspect et les personnes ont été contraint de se confiner dans les unités de vie.

Des conflits de voisinage déjà propice dans la cohabitation interculturelle se sont accentués dans cette période. Les demandeurs d’asile font état de ce mal être accentué par cette période de crise sanitaire. La gestion des enfants est souvent l’élément déclencheur des conflits.

Le projet « L’art de vivre ensemble » serait de proposer des ateliers créatifs par unité de vie au Cada comme médiat à la rencontre et support d’expression.

Le projet de faire intervenir une médiatrice artistique dans les unités de vie mêlant parents/enfants et cohabitant en utilisant le support de la peinture et des arts plastiques. A l’issue des ateliers un vernissage/exposition des créations pourraient être ouverts aux personnes du village afin de recréer un lien sur l’extérieur.

Le déroulé du projet

1ère partie : Initier un atelier artistique pour développer l’art du vivre ensemble, dans la cuisine des familles, et toucher ainsi au plus grand nombre.

Le sujet: mise en place d’une nature morte en réel ( grenades, kakis, citrons, clémentines, courges, théière) sur une console. Disposition de l’espace pour que chacun puisse l’observer, et réalise le croquis sur une feuille A3 au crayon graphite.

Enfants, adultes sont confrontés identiquement au sujet, on compare, on observe les échelles (tout petit, grand), le cadrage, etc… l’intervenante profite pour « critiquer positivement » le travail, le donner à voir à l’assemblée, prendre du recul, inviter à approfondir, à préciser,  remarque les trouvailles, les finesses. L’intervenante et la salarié de l’association  interviennent si la personne bloque ou est en difficulté

2ème partie : Elle consistait à créer sa propre composition à l’aide des éléments apportés ( fruits, vaisselle) et de les peindre sur un grand format. Une invitation leur était faite à utiliser leur propre objet personnel (pots, théières, …), cette dernière sans succès… !

L’intervenante a de suite ouvert la proposition à une peinture libre quant au choix du sujet (imaginaire, paysage, image, portrait, souvenir, photo, etc..). Elle a donné systématiquement ce choix, car la contrainte était forte (déjà suivie en première partie) et l’idée restait avant tout de se faire plaisir. Mais un support reste nécessaire si l’inspiration vient à manquer.

Une partie des adultes, ados et enfants ont choisi la première version, mais dans l’ensemble la peinture libre fût majoritaire, donnant de belles surprises.

Chaque peinture était affichée aux murs de la cuisine commune pour une observation commune.

L’adhésion des participants

Elle fût importante. L’enjeu était d’arriver à inviter chacun à prendre place devant le papier, et rassurer (ce n’était pas un « cours » a proprement parlé, ni un concours, mais un moment à passer ensemble dans le calme de l’observation, du partage, un temps ailleurs entre l’œil et la main, et vers le plaisir).

Nous avons été surpris par la simplicité avec laquelle la plupart se sont prêtés au jeu (sans trop de gêne) malgré l’appréhension. Quelques réticences cependant de certaines mamans et qui pourtant ont honoré la séance de leur présence et regardaient le travail de leurs enfants ( en général absence à l’atelier du père, dans ces familles).

Nécessite de déployer des qualités d’invitation et de réassurance : pas d’objectifs de résultats, on essaie, on se lance) car le temps consacré est aussi précieux que le résultat espéré. Et malgré tout l’exigence technique permettait à chacun, avec quelques conseils, de se surprendre.

Quels résultats pour les participants ?

L’intérêt de ces ateliers n’a fait que se démontrer dans toutes les maisons – qu’il soit de l’ordre de la simple distraction, d’un moment inattendu ou jovial, jusqu’à un intéressement plus engagé – pour au final créer la surprise pour chacun de sa propre création.

Au départ, il semblerait, qu’une grande partie des adultes ont démarré l’atelier par « obéissance » ou loyauté envers la structure qui les accueille, et pas forcément par désir personnel d’y participer. Mais au fil de la séance, ils se sont laissés embarquer ailleurs, dans un rapport plus intime, et au final bien plus personnel. Nous avons parfois cru sentir à notre arrivée un semblant de surprise ou d’hostilité, ou un désintérêt complet de certains adultes qui, malgré tout, se sont astreints à suivre les deux heures avec des résultats saisissants, et ceux-là même remerciant l’intervenante : « 2 heures sans stress »

C’est aussi pour eux un lien humain avec l’extérieur qui s’inscrit dans un autre cadre que le social ou le soin. Une possibilité également pour les travailleurs sociaux d’éclairer les profils de leurs résidents d’un autre point de vue.

La plupart des participants ont souvent exprimés leur plaisir sur le moment, certains ados et enfants ont demandé quand l’intervenante reviendrait !

De façon générale les enfants du CADA ont une soif de faire, de suivre les propositions assez fantastique. Une très belle écoute et concentration. Il nous a paru aussi que beaucoup n’avait pas l’habitude d’être valorisés, certains très surpris que nous montrions leur travail en exemple, en y désignant un point intéressant. Il apparaît une vraie demande pour les enfants et adolescents pour contrecarrer un ennui, une faim, un enfermement, un manque de perspective du moment présent.

C’est une mise en situation différente, privilégiant le plaisir de faire et partager, et ce n’est pas l’école. C’est un apprentissage qui reste ludique, où la problématique de la langue n’est pas centrale, car le trait est universel, il est humain et l’on peut tous s’y reconnaître. Cet atelier (ou autre médium artistique) est aussi nécessaire aux adultes même si cela ne s’exprime pas aussi franchement. Un atelier de dessin concentre un fort pouvoir de convivialité, et cela dans n’importe quel groupe. Égalité devant la consigne commune. C’est réellement un instant de partage authentique (la main est au-delà des codes, elle ne ment pas), de spontanéité du geste. C’est un partage de la difficulté, des astuces pour s’en dépatouiller, de la concentration nécessaire, du silence, et bien évidemment du rire et de la dérision parfois sur nos propres œuvres, et de l’admiration sur ce que chacun fait naître.

Tous ces éléments positifs (l’estime de soi) et riches le seront d’autant plus pour des personnes vulnérables dont la réalité est souvent rude et subie. C’est un petit moment de déconnexion avec le quotidien anxiogène, et peut être une possibilité d’assouplir et d’affiner les liens déjà existants entre les résidents et de les fortifier. Le dessin et la peinture, par le temps et le silence qu’ils exigent, créent un espace mental, symbolique peut-être, mais qui peut toucher ces personnes qui ont perdu ou quitté leur propre espace environnemental, et par la force des choses sont en repli.

Témoignage d’un participant

Actions artistiques/médiation culturelle

Pour qui ?

Enfants Jeunes Familles

Structure porteuse

Adoma

Structures sociales participantes

CADA Carla-Bayle

ADOMA

Résidence Le Peyrat -Lieu dit
"Le Peyrat", 09130 Carla-Bayle

Partenaires financiers

Co-financé par le programme Respirations avec le soutien du Ministère de la Culture.

Plus d'informations

occitanie@respirations.org